Livre : un avenir pour le service public

Je voudrais partager avec vous mon enthousiasme après la lecture du livre un avenir pour le service public sorti en octobre dernier.

Cela fait déjà quelques années que je suis son auteur, Sébastien Soriano, aujourd’hui patron de l’IGN après 6 années passées à la tête de l’ARCEP (le « gendarme » des télécoms).

Je ne suis peut-être pas totalement objectif dans ma restitution, je définitivement suis un grand fan. Je considère Sébastien comme l’un des « leader inspirant » du service public, l’un de ceux qui nous offrent de nouvelles perspectives, de nouveaux chemins, en l’occurrence ici, une voie vers un autre service public.

A l’instar du livre l’âge de la multitude de Nicolas Colin et Henri Verdier que j’ai découvert il y a quelques années, ce livre m’a mis une grosse claque, j’y reviendrai dans la seconde partie de ce billet.

Défini par Sébastien Soriano comme « une révolte optimiste », ce livre est construit de manière plutôt classique. Après avoir réalisé un constat, différentes propositions sont faites avec un objectif central : faire en sorte que nos politiques publiques soient en adéquation avec notre temps et les besoins de nos concitoyens.

Le constat dressé est sans appel. D’un côté des citoyens, usagers du service public, qui ont le sentiment de ne plus en avoir pour leur argent sur fond de crise des gilets jaunes qui cristallise la défiance d’une partie de la population envers l’État. De l’autre, les acteurs du service public : des agents qui ont trop souvent perdu le sens de leur action et la fierté d’exercer leur métier, y compris dans les professions à fort sentiment d’appartenance (soignants, policiers, pompiers…).

Après avoir dressé un historique des politiques publiques en abordant l’État stratège et son adaptation à la française (très centralisée) le new public management, l’auteur en évoque les effets délétères de cette politique pilotée par des indicateurs. Un pilotage basé sur des données mesurables qui peine à prendre en compte la complexité des facteurs humains et qui a laissé au bord du chemin nombre d’agents du service public.

Une question centrale qui apparait : comment combler ce fossé qui s’est creusé entre l’État et la société ? À partir des grands enjeux actuels : l’environnement, la mondialisation, l’accélération technologique et les nouvelles formes d’inégalités, Sébastien Soriano propose une nouvelle voie : un état en réseau.

Dans la dernière partie du livre, trois propositions sont faites pour concevoir et construire cet État en réseau par : les communautés humaines, la prise en compte d’une trilogie Etat-marché-commun (l’état entremetteur et régulateur) et enfin un contrôle par le citoyen de la technologie numérique.

Le livre est ponctué d’exemples concrets qui illustrent le fait que ce projet est possible… « une foule de petits miracles » comme l’écrit Sébastien Soriano fort de ses expériences de haut fonctionnaire et de régulateur des télécoms.

Alors pourquoi ce livre m’a touché en tant qu’agent du service ?

Il m’a touché parce qu’il met des mots sur ce malaise que je ressens, que ce soit en tant que citoyen ou en tant qu’agent public, je pense ne pas être le seul dans cette situation.

En 2015 j’écrivais en conclusion d’un billet de blog intitulé Schizo 2.0 : « Pour en revenir au propos initial de ce billet portant sur ma schizophrénie informatique, et si ce n’était pas une maladie finalement ? Et si ces « personnalités multiples » n’étaient que le fruit d’une partition qu’on nous (les fonctionnaires) impose depuis des années ?« . Six années plus tard, je me retrouve à 100% dans les écrits de Sébastien Soriano. Il démontre que le service public est devenu obsolète et inadapté mais aussi que l’on peut envisager une autre voie avec une bonne dose d’optimisme. Les critiques restent bienveillante, l’auteur rappelle à plusieurs reprises qu’il fait lui-même partie de la haute fonction publique laquelle ne saurait être exonérée d’une certaine responsabilité dans cette situation.

J’ai également apprécié le retour sur l’histoire de la gestion publique que je méconnaissais. En abordant les notions d’état stratège et de new public management à la française, Sébastien Soriano nous explique que l’on récolte aujourd’hui les fruits d’une logique d’action public (orientations, décisions, contrôle) principalement basée sur des indicateurs. Cette tentative de transcrire dans le public les recettes du privé pourrait expliquer le malaise des agents publics pour un résultat (la valeur du service public) finalement décevant.

Les propositions faites dans le livre ne sont pas des recettes magiques, on reste, au-delà « des petits miracles », souvent au stade des vœux pieux; malgré cela j’ai envie d’y croire, je rêve d’être partie prenante de ce nouveau service public afin de donner encore plus de valeur à l’action publique et aussi, plus personnellement, d’évoluer dans des modes d’organisation plus en prise avec notre temps.

Au-delà des mesures concrètes et de leur traduction « opérationnelle » au niveau de nos institutions – c’est un vaste sujet, je retiens la nécessité de créer les conditions d’un « construire ensemble » incluant tous les pans de la société : nos concitoyens, le privé, la société civile et bien entendu l’État. Un État dont il faudra aussi changer les mythologies, un changement en profondeur qui devra nécessairement aboutir à l’adoption d’une nouvelle culture, cela ne se décrète pas.

J’ai également apprécié le concept abordé de manière récurrente d’encapacitation (empowerment en anglais), ce terme qui évoque le pouvoir, un pouvoir qui devrait revenir en grande partie aux acteurs de terrain (autonomie, prise de décision…), je ne peux qu’adhérer à cela tant cela manque dans nos organisations publiques.

Et ensuite ? La question centrale il me semble, est celle du « comment » : comment passer à l’échelle, comment dépasser le stade des « petits miracles » de l’innovation du service public ? Le pari de l’auteur est de renouer avec l’humain et de miser sur l’intelligence collective en incluant davantage le terrain (agents, privé, public…). Cela nécessite une remise en question de l’action publique à la mesure des énormes changements induits par la révolution numérique.

Dernier point, cette lecture m’a permis de découvrir le livre reinventing organizations, vers des communautés de travail inspirées de Frédéric Laloux, dont je me délecte en ce moment; une lecture passionnante pour qui ravira celles et ceux qui s’intéressent aux modèles organisationnels. Ah si seulement on pouvait mettre un peu d’opale dans l’administration !!

Pour conclure, je vous encourage vivement à acheter ce livre et j’espère que vous aurez autant de plaisir à le lire que moi, merci Sébastien Soriano !!

Quelques liens

Podcast, Frédéric Bardolle : https://f14e.fr/hackerspublics/ep5_sebastien_soriano/

Podcast nouveau départ : https://nouveaudepart.substack.com/p/lavenir-du-service-public-avec-sbastien-a04

Le livre chez l’éditeur Odile Jacob : https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/sciences-politiques/un-avenir-pour-le-service-public_9782738153722.php

Fiche de lecture, fréquente protestante : https://frequenceprotestante.com/lecture/un-avenir-pour-le-service-public/

Fiche de lecture sur alternatives économiques : https://www.alternatives-economiques.fr/un-avenir-service-public/00095009

Fiche de lecture sur educavox : https://educavox.fr/formation/les-ressources/un-avenir-pour-le-service-public-editions-odile-jacob-en-librairie