Portrait de Sabrina : de la Police à la filière SIC

Premier article d’une (je l’espère) longue série sur des agents du service public dont le métier est lié au numérique et / ou aux systèmes d’information et de communication (NSIC).

Cette fois c’est une « vieille » connaissance que j’interviewe : Sabrina.
Je l’ai connue à la Préfecture de Police alors qu’elle était dans un service de formation de la DOPC (Direction de l’Ordre Public et de la Circulation).
Avec Sabrina nous avons travaillé à la DRPJ (Direction Régionale de la Police Judiciaire) en particulier sur le projet CORAIL 2, le système d’information de l’état-major, elle en tant que testeur et assistante à maîtrise d’ouvrage et moi en tant que développeur.

Sabrina fait partie de ces personnes atypiques avec lesquelles j’ai eu un grand plaisir à travailler. J’ai rarement vu quelqu’un d’aussi engagé dans la défense de l’intérêt des « métiers » pour lesquells elle a eu l’occasion de servir, parfois contre vents et marées.

Elle nous livre dans cet échange quelques éléments sur son parcours professionnel et ses motivations.

Cérémonie de remise de la médaille de la sécurité intérieure (MSI) aux personnels de la direction des systèmes d’information et de communication (DSIC).

Bonjour Sabrina, peux-tu revenir sur ton parcours professionnel, pourquoi être passé de gardien de la paix (Gpx) à technicienne SIC (TSIC) ? Qu’est-ce qui a motivé ta démarche ?

En fait, je n’aurais jamais dû être GPX. J’ai fait un bac scientifique et je souhaitais poursuivre dans la filière informatique. J’avais été acceptée en IUT statistiques et traitement informatique des données en métropole et je devais quitter mon île (la Réunion) pour poursuivre mes études.

Un peu avant les résultats du bac, un concours de gardien de la paix était ouvert. Mon voisin passait ce concours et mes parents m’ont demandé de le passer au cas où ça se passerait mal pour le bac (il aurait fallu passer le concours d’infirmier j’aurais fini infirmière !). Finalement, j’ai eu mon bac et le concours de Gpx !

J’ai commencé mes études en IUT et j’ai été appelée à rejoindre les rangs de la police en cours d’année. Devenir fonctionnaire c’était s’assurer une sécurité d’emploi, avoir un salaire rapidement et les études ça coûte cher…

En ayant connaissance des conditions dans lesquelles j’ai intégré la police, il n’y a rien de surprenant à ce que je finisse dans la filière SIC. Depuis mon entrée dans la police j’ai tout fait pour me rapprocher du domaine SIC. J’ai réussi à intégrer un secrétariat quelques années après mon arrivée sur le terrain, puis la formation informatique, puis un poste d’assistance à maitrise d’ouvrage à la pppj 😉, chargée de projets informatiques et enfin testeur.
Intégrer la filière SIC c’était un objectif à atteindre !

Et si la Police avait eu une filière SIC tu serais passée technicienne SIC ou aurais préféré rester chez nous ?
Je serais sans doute restée policière… Le métier est tellement intéressant dans la police avec une vraie impression de service rendu et d’utilité publique ! Ça change des logiciels de ressources humaines ou bancaires. Cela m’aurait permis d’avoir un vrai plan de carrière au sein de la police, de me projeter.

Pourquoi aller dans le privé aujourd’hui ? Tu avais vraiment envie de quitter l’administration, est-ce un choix délibéré ?

Je fais le choix de rejoindre le privé parce qu’aujourd’hui je ressens le besoin d’éprouver mes compétences dans un autre milieu que celui de la fonction publique. De plus, le domaine dans lequel j’evolue (les tests) sont beaucoup mieux représentés et outillés dans le privé. Cela me permet également de quitter la région parisienne plus facilement (le circuit de mutation au sein de la fonction publique est particulièrement long et les ouvertures de postes ne se font pas toujours dans les délais courts, quand les postes arrivent à être ouverts !).

Aujourd’hui je quitte l’administration avec un pincement au cœur. J’ai passé de très belles années au sein du ministère de l’intérieur. J’ai eu l’occasion de travailler sur des projets dont le domaine métier était vraiment captivant, avec des personnes passionnées par leur métier et apportant une forte valeur ajoutée aux usagers ou aux agents du ministère.

Même si je fais le choix de mettre entre parenthèses ma carrière au sein de la fonction publique, j’ai pris une disponibilité ce qui me laisse la possibilité de réintégrer un jour le ministère.

Peux tu nous parler de ta spécialité : la qualité logicielle, quelle est ta vision sur ce domaine et son application au MI ?

Ah la qualité logicielle ! L’éternelle délaissée des DSI…
Quand on n’a plus de budget ou de temps pour réaliser une prestation, la première chose sur laquelle on va rogner c’est sur la qualité.
Tout au long de ma carrière j’ai été confrontée, à diverses étapes des processus projet, aux problèmes de qualité dans les livraisons. Cela se traduisait par des défauts dans les spécifications, des problèmes d’incompréhension entre des équipes très techniques et des équipes très fonctionnelles, des passages en prod à l’arrache !

Un des rares leviers que j’ai trouvé pour limiter la casse, ce sont les tests !
Je suis très orientée « métier », le domaine fonctionnel m’intéresse beaucoup donc je me suis naturellement orientée vers les tests fonctionnels. Le seul service au sein du ministère qui dispense ce genre de prestation est la DSIC. Nous avons la chance de disposer d’outils nous permettant d’automatiser les tests fonctionnels et de rejouer la non régression de manière systématique. Sur les applications où les tests fonctionnels ont été automatisés, nous avons eu de très bons retours, notamment dans la qualité du SI livré (très peu d’anomalies lors des mises en prod) ou l’apport d’une réelle expertise fonctionnelle de la part du testeur (en terme de compréhension du besoin, d’expérience utilisateur ou d’interface utilisateur).

Donc forcément après cette expérience réussie au sein du ministère, je milite pour la mise en œuvre systématique et non facultative des tests sur les applications déployées au ministère. D’ailleurs dans le privé je reste dans le domaine des tests fonctionnels ! Les tests sont en plein essor, il existe maintenant des fiches de postes dédiées aux métiers du test. Nous avons notre propre journée de tests (JFTL) ainsi qu’une certification (ISTQB).

Tu as été très active et d’une aide précieuse dans le bureau CIMI, qu’est ce que cette expérience t’a apportée ?

La CIMI c’est génial ! Pouvoir assister à des conférences avec des intervenants de haut niveau et de tout milieu (pas uniquement MI) sur des thématiques d’actualités liées au numérique c’est topissime ! Donc c’était une évidence pour moi d’apporter ma petite pierre à l’édifice pour faire vivre cette belle communauté. De surcroît, cela m’a permis de faire connaître mon métier de testeur grâce à un miditech sur ce thème. Cela m’a permis également de rencontrer et d’échanger avec des personnes que je n’aurais jamais connues sans la CIMI.

Ça a été un réel plaisir d’apporter mon soutien à cette communauté ! 😊

Que penses tu de la place des femmes dans le numérique ? Comment peut on faire en sorte que ce domaine soit plus attractif pour les femmes ?
Alors pour être honnête, j’en pense pas grand chose. Le domaine de l’informatique est un milieu très masculin ! Donc je ne suis pas surprise qu’il y ait peu de femmes dans notre domaine. Malgré tout, ça n’est pas inhérent au ministère ! Je participe occasionnellement à un projet open source : JHipster et je suis la seule femme à y participer … La core team s’est aussi posée la question de réussir à attirer un personnel féminin.

Merci Sabrina et bon vent pour ton nouveau challenge…

Eric Pommereau